Quelle place pour le secteur privé dans la gestion des services de l’eau en milieu rurale en Afrique ?
Les préoccupations sur la gestion des ressources en eau sont anciennes et tous les acteurs s’accordent pour convenir du caractère essentiel du droit à l’accès à l’eau, mais celui-ci est encore loin d’être effectif.
En Afrique, les Etats s’orientent de plus en plus sur des modèles de Partenariat Public Privé (PPP). Cette approche, considérée comme un moyen de mobiliser des moyens financiers importants est supposée pourvoir un service de l’eau performant. Cependant, pour réussir les projets de type PPP dans un contexte marqué par une floraison de plans d’émergence dans les pays africains, il est indispensable de mettre en place des institutions capables de gérer le processus de mise en place d’un PPP.
Le secteur public doit pouvoir préparer efficacement une due diligence au début du projet et la conduite de manière efficiente. Il s’agira de prendre le temps nécessaire pour l’analyse des aspects techniques du projet et procéder à sa bonne planification. Sur cette même lancée, les Etats doivent travailler à mettre en place un système d’appels d’offres transparent afin de faire le bon choix de l’opérateur. Ils doivent également s’inspirer des modèles réussis de PPP, mettre l’accent sur la formation pour disposer des compétences de haut niveau en matière de PPP.
Les gouvernants doivent veiller à une implication forte du secteur privé national et accorder un accent tout particulier aux transferts de compétences, et mettre en place un processus de coordination et de suivi rigoureux des contrats PPP.
Dans le domaine particuliers de l’hydraulique, les partenariats sont des accords multipartites qui impliquent, outre le partenaire privé à proprement parler, différents échelons administratifs, les usagers et les populations locales. Ils ne se résument donc pas à un ‘tête-à-tête’ entre une entité publique homogène et un acteur privé unique. Les coûts fixes élevés conjugués à des investissements irréversibles sur le long terme et à une demande relativement inélastique tendant à faire de l’eau un secteur monopolistique difficile à ouvrir à la concurrence. La participation du secteur privé met en lumière, dans une certaine mesure, les tensions que le développement des infrastructures en eau peut provoquer, des tensions généralement occultées lorsque ces infrastructures restent dans le giron de l’État.
Le Sénégal s’est engagé dans une reforme audacieuse à travers un système de PPP pour régler les importants dysfonctionnements d’approvisionnement en eau des zones rurales par la mise en place de l’Office des Forages Ruraux (OFOR). Cette option une première en Afrique noire va au delà de l’eau potable mais intègre les notions d’eau productive piliers essentiels pour le développement l’agriculture et l’élevage.
A travers l’OFOR, le modèle choisi est la concession dite intelligente. Le système repose sur une autorégulation encadrée par un comité de suivi, les revues de contrat (affermage et performances basées sur un système de bonus et malus). Des mécanismes de concertation avec l’ensemble des acteurs. Le concessionnaire se limitant essentiellement aux activités de production et de distribution et l’Etat ayant en charge les investissements.
La mise en place d’un organe de régulation est indispensable pour assurer l’efficience du dispositif. Ses missions seront centrées sur la performance, l’équité, l’égalité dans la fourniture et l’accès du citoyen au service de base. La présence effective de représentants des consommateurs crédibles dans l’instance de régulation est également indispensable. Ils devront veiller à la protection des intérêts de l’ensemble des parties prenantes. Le mode de financement de l’activité de l’organe de régulation doit être clarifié en vue d’assurer son indépendance sans pour autant impacter significativement le coût du prix de l’eau aux usagers. Le succès de cette option repose sur l’équilibre financier du secteur dans sa globalité à ce niveau le rôle de l’Etat est primordial.
Il existe une autre alternative qu’est la concession totale. Dans ce cas de figure le concessionnaire va au delà de ses fonctions de production et de distribution en prenant en charge l’intégralité les investissements. Investissant à ses risques et périls il cherchera naturellement à récupérer au plus vite son investissement en se rémunérant au taux fort. Il s’en suit souvent la mise en place de la politique de recouvrement intégral des coûts –appelée aussi ‘politique de la vérité des prix’.
En l’absence d’encadrement, les politiques commerciales ‘d’écrémage’ seront de rigueur. Elles consistent à ne servir que les clients les profits au plus vite, et à ignorer les pauvres, moins rentables. Cette option crée la perception que les caractéristiques d’équité, d’égalité dans la fourniture et l’accès du citoyen au service de base qui fonde la notion même de service public sont reléguées au second plan par rapport à la réalisation de profit.
Tous les deux modèles présentent des avantages et des inconvénients, cependant trois principes essentiels contribuent à une plus grande efficience du service public : la participation active des usagers, la prise en compte de principes de bonnes gouvernances et la mise en place d’organisme de règlementation indépendant.
Lansana Gagny SAKHO
Directeur Général de l’Office des Forages Ruraux